Petar Kanev
PLACE SANS AVENIR?
Je ne saurai pas par quel mot appeler ce qui arrive dernièrement avec tout les êtres vivants chez nous – aux âmes humaines, aux hommes, aux animaux, à la nature, et, en particulier, à notre côte de la Mer Noire. Manque de culture, goujaterie, têtes rasées, criminalité, corruption – tous ces mots ne sont pas suffisamment forts, ils sont banals et triviaux, et ils n’embrassent pas complètement la face de la crasse, qui nous engloutit nous tous. Je pense que la métaphore la plus exacte pour tout cela serait “la fosse aux ordures”.
Les ordures engloutissent peu à peu nous tous et tout autour de nous – les mots, les gens, les medias, les villes, les mers et les montagnes. Qu’est-ce que nous pourrions faire tous ensemble pour lutter contre cette fosse aux ordures? Le moindre que nous pourrions faire, c’est déclarer ouvertement et clairement que nous ne voulons pas d’elle! Et cela ne sera pas si peu que ça, si nous le faisions de toutes les manières possibles, à l’aide de tous les moyens possibles – chacun à sa manière, mais, avant tout, sans cesse et continuellement, et faire cela vraiment tous ensemble. En ce moment, en écrivant ces paroles, moi aussi je FAIS une toute petite chose dans la lutte contre la fosse aux ordures. Ce que j’écris ici, C’EST aussi une dédicace – à tous ceux qui ont fait quelque chose, malgré la désespérance, malgré la désolation, malgré la misère et la fatigue et malgré leurs propres engagements, et leurs propres problèmes, et aussi, malgré la fosse aux ordures.
J’avais écrit ce texte au plus fort de la campagne “Sauvons Irakly”, en été 2006. Depuis lors, plus je fais quelque chose, même quelque chose d’insignifiant chaque jour, dans la lutte contre la fosse aux ordures, et plus mon pessimisme et ma désespérance pâlissent. Ça arrive toujours, lorsque tu fais quelque chose d’apparemment insignifiant chaque jour. Et alors, c’est proprement dans les choses apparemment insignifiantes vient se créer une communauté des hommes, un esprit commun, une humeur commune, un mouvement commun vers une autre place –
PLACE POUR FUTUR
Ce n’est pas un rêve, ce n’est pas un projet, ce n’est pas une utopie. C’est une place concrète où s’opère, peut-être, une multitude de petites révolutions… Ils ont leur commencement en dedans de toi-même, dans ta propre tête, dans ton corps, ainsi que dans ta conscience, et elles sortent en dehors de toi sous la forme d’exemples, parce que tu n’est pas seul, et elles se transfèrent d’un homme à l’autre, semblables à une réaction en chaîne, semblables à l’énergie qui passe par les neurons.
Lorsque, avant quatre ans, par le concours de circonstances, je suis tombée sur un problème concret, dans ma tête ont explosée comme des éclairs les pensées suivantes:
- Ce n’est pas possible qu’il existe un tel cauchemar!
- Ce n’est pas possible qu’il existe en notre temps autant de gens dignes et pleins d’abnégation! Pourquoi n’ai je jamais entendu parler d’eux?
- Ce n’est pas possible que ces gens soient si nombreux! Je n’ai jamais su qu’ils existaient, et il se trouve qu’ils ont été toujours autour de nous. Les medias ne parlent pas d’eux, personne ne sait qu’ils existent. Qui pourrait savoir que chez nous il existait un mouvement civique!
- Comment pourrai-je me regarder dans la glace, si je ne donnais pas même un tout petit appui à ces gens-la!
- Nous ne sommes pas seuls!
- Oh, mon Dieu, vois-tu ce qu’il peut arriver! Il y a quelque chose comme de la magie, comme de l’enchantement, c’est un vrai miracle, ce qui nous arrive!
- Ce mouvement est comme la vie même et, lorsque tu fais déjà part de lui, tu ne peux plus retourner en arrière, parce que cela serait pareil au suicide…
C’est comme cela qu’au cours de quelques années a pris naissance et a grandi la Place pour futur. Cette place a encore besoin de beaucoup de soins, et, peut-être que, même, nous ne pourrons pas voir ses fruits de notre vie. Et le soin de cette place, c’est proprement ça le don que nous recevons. La Place pour futur est nécessaire à nous tous, parce qu’elle pourrait avenir aussi en une place sans avenir. Et, même si la solidarité, la position civique active, le lien social entre les hommes, tout ça, pour le moment, se sont encore autant de souvenirs du passé lointain, nous pourrions changer tout ça. Si seulement nous recommencions tout ça de nouveau, comme des pionniers, aujourd’hui, et non pas demain, et non pas autre part. Toute cette multitude de faits insignifiants, stables et constants, crée chaque jour de vraies communautés humaines, elle crée la société, la culture, la politique, le développement. Est-ce que tous ces faits ont du sens? Oui, justement ces faits ont du sens. C’est le sens de la mantre du développement stable.
Tout a commence par les émotions et justement dans le choc de ces émotions que, peu à peu, ont pris naissance de nouveaux horizons – la nécessite d’encore plus d’intelligence, d’encore plus de conscience, d’encore plus de lumière. La place ou tout ça pourrait arriver, se trouve proprement là, où on enseigne aux jeunes gens et où ils sont formés. Et la place où naît le futur, c’est le domaine de l’enseignement. Mais à quoi proprement va ressembler ce futur, cela dépend déjà de chacun de nous.
Souvent des gens tentent de nous convaincre que tout notre effort est privé de sens, s’il n’est pas dirigé vers l’aménagement de notre propre vie et uniquement de notre propre vie, aux dépens de la vie des autres. Ils tentent de nous convaincre, qu’il n’existe pas de valeurs communes, mais seulement des phénomènes objectifs. Mais, malgré tout, il existe une valeur commune en dedans de notre corps, et c’est justement la sauvegarde de la vie. Remporter victoire sur la nature, ça voudrait dire, remporter victoire sur la vie. Et cela voudrait dire, être morts.
Je me réjouis de ce que nous avons réussi à faire jusqu’ici, et je me réjouis aussi de ce que je peux répéter les mots que j’avais dit autrefois.
Je voudrai dédier ce projet à tous ceux qui ont réussi à faire quelque chose, malgré la désespérance, malgré la désolation, malgré la misère et la fatigue, malgré leurs propres engagements et leurs propres problèmes, et malgré cette fosse aux ordures.
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Il n’y a pas de scénario qui puisse empêcher la naissance de la société civile.
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